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Ragini Kedar,
Hyderabad,
vers 1750,
Kolkata,
Indian Museum
(détail) |
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Récits de voyageurs |
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Si les bin dépeintes
avec un évident souci de réalisme sur
ces extraordinaires peintures permettent d'apprécier
l'aspect des instruments de cette époque, de
remarquer certains détails et de situer le contexte
dans lequel elles étaient jouées, les
descriptions littéraires qu'en ont fait quelques
voyageurs aux XVIIe et XVIIIe siècles, sont toutes
aussi intéressantes.
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En 1623, alors qu'il se
trouvait au Gujarat, le vénitien Pietro
della Valle a l'occasion d'écouter un joueur
de vina de la cour d'Ibrahim Adil Shah
II, sultan du royaume de Bijapur. Agréablement
surpris par les sons mélodieux de l'instrument
qu'il entendit, il écrit:
"(...) nous fûmes divertis un certain
temps avec de la bonne musique par un Indien qui
chantait suffisamment bien et jouait d'un étrange
instrument indien (...) composé de deux
gourdes, teintes en noir et vernies, l'une d'elles
possédant un orifice afin de réverbérer
les sons. Ces deux gourdes étaient suspendues
à une pièce de bois d'environ trois
empans et les nombreuses cordes, dont certaines
étaient en cuivre et d'autres en acier,
étaient tendues au-dessus de nombreuses
petites pièces de bois semblables à
des chevalets. Il s'agissait des frettes qu'il
touchait de sa main gauche pour diversifier les
sons, tandis que de la main droite, il pinçait
légèrement les cordes, non pas avec
les doigts ou les ongles mais à l'aide
d'onglets métalliques, dans un mouvement
de haut en bas, de telle sorte qu'elles produisaient
un son assez agréable. Lorsqu'il jouait,
il tenait l'instrument près de sa poitrine,
[maintenu par] une cordelette passée autour
du cou, l'une des gourdes étant située
au-dessus de son épaule gauche, l'autre
sous son bras droit, dans une élégante
position".
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En 1788, paraissait à Calcutta
un court article très documenté et intitulé
"De la vina ou la Lyre indienne" sous
la forme d'une lettre publiée dans le premier
volume des Recherches Asiatiques. Son auteur, Francis
Fowke, gouverneur de Bénarès pour l'East
India Company, fit une minutieuse description de la
bin d'un musicien renommé, Pyar Khan,
frère de l'illustre binkar Jivan Shah et, selon
les sources orales, tous deux descendants de Misri Singh,
alias Naubat Khan.
Pour ajouter à la rigueur de son étude,
Fowke compara l'intonation de la bin avec celle
de son propre clavecin. S'adressant à Sir William
Jones, juge à la Cour Suprême de Calcutta
et fondateur de la Société Asiatique du
Bengale, il écrit:
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"Vous pouvez compter
sur l'exactitude de mon propos, qu'il s'agisse
de la construction comme des proportions de cet
instrument. Tout a été mesuré
et pour ce qui est des intervalles, je ne me suis
pas fié qu'à mon oreille mais j'ai
fait accorder la Been selon l'accord de mon clavecin
et j'ai ensuite soigneusement comparé les
deux instruments, note par note et ce, plus d'une
fois (...)".
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Hindu Music, S. M. Tagore,
1875. |
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Fowke envoya également à Jones un dessin
de la bin qu'il avait étudiée ainsi
qu'un portrait de Jivan Shah. Ayant attentivement écouté
Pyar Khan jouer de son instrument, il fit de judicieuses
remarques sur la technique de jeu, le principe de micro-tonalité
propre à cette musique et transcrivit les résultats
de ses observations en notation occidentale.
Enfin, déconcerté par la musique qu'il
entendit, il confia à Jones:
"Le style de musique interprété
sur cet instrument est en général d'une
exécution remarquable. Je n'ai pu toutefois
y déceler aucun air ou thème défini.
La musique semble consister en un certain nombre de
parties indépendantes, quelques-unes très
régulières dans leurs passages ascendants
et descendants; celles qui sont jouées lentement
sont pour la plupart curieuses et plaisantes".
Fowke qui était un musicien amateur doté
d'un sens aigu de l'observation, décrit ici avec
une étonnante acuité les caractéristiques
d'un alap.
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